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Entropie et coaching d'organisation

Le terme d'énergie est souvent employé en coaching. Richard Barrett[1] va plus loin dans l'utilisation d'images techniques, en nommant entropie culturelle l'énergie perdue dans les organisations, et en la mettant au centre de l'évaluation culturelle qu'il propose aux entreprises qui souhaitent entrer dans une démarche fondamentale de changement.
L'entropie en physique caractérise le degré de désorganisation d'un système. En thermodynamique, elle représente l’aptitude de l’énergie contenue dans un système à fournir du travail : plus l'entropie est élevée, plus l’énergie est dispersée et donc moins elle est utilisable pour être transformée en travail mécanique.
Richard Barrett considère l'entropie culturelle comme la quantité d'énergie déployée par les employés d'une organisation pour des tâches non nécessaires ou improductives - la quantité de conflits, frictions et frustrations que les employés rencontrent dans leurs activités quotidiennes (...). Sa méthode d'évaluation consiste à faire remplir un questionnaire par l'ensemble du management d'une organisation, en demandant à chacun de choisir, parmi un choix important de termes proposés, dix Valeurs considérées comme représentatives de la culture actuelle de l'entreprise. Le niveau d'entropie est calculé comme la proportion de choix pour des Valeurs considérées comme limitantes, induisant du stress, de la peur ou de la méfiance envers les autres.
Sont ainsi considérés comme limitants : la bureaucratie, le poids excessif de la hiérarchie, l'esprit de silos, l'esprit de manipulation ou de blâme, la confusion, la manipulation, la rétention d'informations, etc...
Chacun y retrouvera des éléments connus, sources de stress et perte de temps.
Le paradoxe surgit lorsque la lourdeur frustrante des procédures provient de processus mis en place justement (en principe) pour améliorer la qualité ou la productivité. Combien de temps perd-on et de frustration accumule-t-on, à remplir des formulaires pour des processus qui parfois n'ont d'autre intérêt que d'apporter une paix intérieure à la Direction ou, à enregistrer des données dont on sait que l'on n'aura jamais le temps de les exploiter...
Partant donc de l'énergie totale que les employés peuvent consacrer à leur organisation, l'entropie représente l'énergie perdue, celle qui ne pourra pas être utilisée pour créer un travail utile pour l'entreprise. Au-delà du simple temps perdu, l'entropie reflète la démotivation qui en résulte pour les employés concernés. D'où la courbe indiquée en en-tête, établie par l'équipe de R.Barrett sur un échantillon de 163 organisations en Australie et Nouvelle Zélande : elle montre une corrélation inverse entre l'engagement des employés et l'entropie culturelle (en sachant que l'engagement du personnel est un facteur essentiel de performance des entreprises).
[1] Barrett R., 2017. The values-driven organization. Editions Routledge. (www.valuescentre.com)
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02 Avril 2025
Le coaching d'équipe est-il aussi du coaching ?

Giffard M., Moral M., Coaching d'équipe, Interéditions, 2022
La métaphore est racontée par Robert Dilts, l'un des piliers de la PNL. Un chauffeur de taxi attend en station. Un client ouvre la portière arrière et s'effondre sur la banquette arrière en disant : "Emmenez-moi là où c'est mieux qu'ici !". Le chauffeur peut alors prendre une attitude de Conseil en disant " je connais un endroit agréable en ville". Ou il prend une attitude de Coach : "désolé mais sans adresse précise, je ne peux rien faire". L'attitude du Coach diffère ainsi de celle du Conseil en ce que son rôle n'est pas de proposer des solutions, mais, par un questionnement adapté, d'aider son client à prendre conscience des freins qui l'empêchent d'avancer et à trouver en lui les ressources pour progresser.
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Cette démarche peut-elle s'appliquer à des équipes ou organisations ?
Oui, en considérant l'équipe ou l'organisation comme un "système sujet" que le coach accompagne pour qu'il conçoive lui-même ses propres réponses au système objet qu'il doit traiter : défis, problématiques, ...
En pratique, en début de coaching d'équipe, le coach assiste classiquement à des réunions d'équipe ; il rend un feedback à celle-ci en "position basse", fonctionnant ainsi en miroir de l'équipe. Il peut ensuite organiser des ateliers d'accompagnement de l'équipe pour qu'elle analyse son fonctionnement, ou qu'elle définisse ses visions-missions-valeurs, sa culture ou ses objectifs. Cet accompagnement se fait beaucoup par questions pour inciter les membres de l'équipe à produire leurs propres solutions. Il peut être complété par un coaching du dirigeant si nécessaire au bon fonctionnement de l'équipe : un escalier se balaye par le haut... L'équipe peut aussi être amenée à réfléchir sur elle-même au moyen de questionnaires 360°, ou d'analyses des complémentarités des personnalités de chacun (outil DISC par exemple).
Les spécialistes du domaine rapportent qu'un coaching d'équipe démarre souvent après une demande du dirigeant pour organiser un team-building, que le consultant oriente, après discussion avec le dirigeant, vers une démarche plus en profondeur. Nous sommes nombreux effectivement à avoir été déçus par les résultats à moyen terme de team-buildings menés sans consolidation de comportements nouveaux ou plans d'actions suivis. Une méta-analyse effectuée en 1989 sur 126 recherches ( Neuman et al.", Organization development interventions", Personal Psychology, 1989) semble démontrer que "si les interventions de team-building uniques ont un effet sur le bien-être, elles n'ont pas d'impact durable sur la performance".
Coaching ou Conseil, aller au-delà d'un simple team-building est souvent une nécessité.
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21 mars 2025
Géopolitique du nickel :
la carte et le territoire

Débat sur la géopolitique du nickel, France 5, C dans l'air, 5 mars 2005
C'est l'un des premiers postulats de la PNL : "La carte n'est pas le territoire qu'elle représente".
Ce débat du 05 Mars sur la crise du nickel en Nouvelle-Calédonie (France 5, C pas si loin) a permis une fois de plus de s'en rendre compte : chaque débatteur ( Didier Julienne et moi-même) a dessiné une carte différente de ce territoire qu'est la crise du nickel en Nouvelle-Calédonie, alors même que cette crise est bien renseignée par de nombreux indicateurs chiffrés et objectifs. Une vision de la réalité qui dépendrait peut-être de l'implication géographique et professionnelle de chacun ?
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En prolongement, je voudrais reprendre certains des propos ( ci-dessous en italiques) du spécialiste en matières premières avec qui je débattais :
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1. "La Nouvelle Calédonie est un point faible, un maillon faible de l'industrie du nickel" . Vingt-cinq exploitations ou usines de transformation de nickel dans le monde ont fermé ou ont été mises en sommeil récemment ( Japon, Australie, ...) : la Nouvelle Calédonie n'est certainement pas le seul point faible. Mais sa métallurgie est effectivement en situation très difficile.
La question sous-tendue par cette affirmation, est : faut-il encore faire de la métallurgie, ou la Nouvelle Calédonie est-elle condamnée à devenir un "pays minier" ?
Maintenir une métallurgie est en tous cas une nécessité quand on sait que produire une tonne de nickel sous forme de métal créée une valeur ajoutée quatre fois plus élevée que la même tonne sous forme de minerai. Comment aussi pourraient être remplacés les milliers d'emplois directs et indirects qui seraient perdus ? Quel avenir donner aux techniciennes et techniciens du pays qui ont été formés en métallurgie ou en Maintenance industrielle ?
Maintenir la métallurgie est donc une nécessité ; mais est-ce réaliste?
Cela a fait l'objet d'une grande part du débat.
2. Les usines calédoniennes "ne peuvent vivre sans les prêts de l'État" : c'est aujourd'hui incontestable [ Note1]. En particulier, ces usines ne pourront subsister sans une aide au coût de l'énergie et à des investissements pour la transition énergétique. Rappelons que notre principal concurrent, l'Indonésie, soutient aussi son industrie métallurgique du nickel en assurant à ses usines un prix du charbon (produit en Indonésie) nettement plus bas que celui pratiqué à l'export.
3. " Le seul moyen, c'est de transformer ces difficultés en atouts, donc de baisser considérablement le prix de production". Sur ce point, il n'y a pas de miracle : nos mines comme nos usines devront baisser leurs coûts pour résister à la concurrence. Seule une productivité élevée, ajoutée au léger avantage apporté encore par la qualité de nos minerais, nous permettra de partiellement compenser les différences de coûts, de main d'œuvre notamment, avec nos principaux concurrents. Mais ce ne sera pas suffisant. Il faudra réfléchir aux charges sociales et fiscales pesant sur cette industrie. Et surtout travailler aussi sur l'acceptabilité de l'industrie minière pour les riverains. Et s'interroger sur la destination du nickel calédonien.
4. "Pourquoi est-ce que (ce nickel) ne vient pas en Europe ? (...) Je trouve que l'État soutient déjà énormément le nickel calédonien. Simplement, d'un point de vue marketing, le plus efficace, c'est d'expédier ce nickel en Asie". Je rejoins ces propos de Didier Julienne ; mais ce qui est valable aujourd'hui doit absolument évoluer demain, sous peine de se retrouver encore longtemps au milieu d'une concurrence régionale qui ne prend pas en compte les avantages de la Nouvelle Calédonie en termes de développement durable.
L'Union Européenne (UE) se fixe de ne pas avoir plus de 65% d'un même matériau critique en provenance d'un seul état externe à l'Union, ce qui est pratiquement le cas de l'Indonésie avec le Nickel, grâce pour la plus grande part à des investissements chinois. L'UE a classé le Nickel, pour ses usages dans la transition énergétique, en matériau stratégique et critique. Elle a établi un règlement pour les batteries, qui prévoit à partir de 2026, la prise en compte du contenu en dioxyde de carbone de leur fabrication. Elle prévoit de valider des labels de développement durable pour l'extraction et la transformation des matériaux des batteries, ce qui rejoint les réflexions actuelles de la Nouvelle Calédonie sur un label "Nickel Vert et Éthique". Il y a donc à terme, un créneau européen très probable pour le nickel calédonien, au moins sous forme de métal. En ce qui concerne les minerais en provenance de Nouvelle-Calédonie, le coût de transport en Europe serait certainement excessif, mais un accord avec des transformateurs régionaux ( Corée, Japon ou Australie), pour transformer cette ressource et renvoyer le produit raffiné en Europe, parait envisageable pour des minerais non traités par la métallurgie calédonienne.
Certes le résultat de ce lien avec l'Europe ne serait attendu qu'à moyen terme : les projets Européens de fabrication de batteries, ou de précurseurs, sont en retard compte tenu du retard de développement des véhicules électriques. Mais il faut s'y préparer, et rester en veille envers d'autres marchés possibles qui pourraient valoriser les efforts de développement durable du nickel calédonien : Japon, ou Amérique du Nord selon les évolutions à venir des politiques de ces pays, par exemple.
5. "Donc, contrairement à l'idée reçue, les voitures électriques, ce n'est pas l'avenir du nickel". Je ne partage pas cette opinion. L'utilisation du nickel dans les aciers inoxydable a souvent varié au gré des substitutions, en fonction notamment du coût d'achat du nickel pour les sidérurgistes. Les batteries suivent un chemin identique. Les batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphate) sont une alternative économique aux batteries NMC ( Nickel-Manganèse-Cobalt). Mais elles ont aujourd'hui une densité énergétique plus faible. Et elles sont plus difficiles à recycler avec les techniques actuelles. Les prévisions les plus fréquentes indiquent donc bien une réduction de la proportion de nickel dans la fabrication des batteries, mais dans le même temps une augmentation encore sensible de cette consommation de nickel compte tenu du fort accroissement de la quantité de batteries produites. Ainsi Morgan Stanley évalue la consommation mondiale de Nickel pour batteries à 527 kt en 2023, sur un total de 3132 kt. Pour 2030, elle estime la consommation de nickel pour batteries à 1222 kt, sur une consommation totale mondiale de 4000 kt.
Les batteries électriques sont donc bien un marché réel, même si ce marché avance au gré de celui des voitures électriques et de la substitution du nickel par d'autres minéraux.
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Les actions nécessaires pour le redressement du secteur nickel calédonien ont été identifiées : réduction des coûts , compétitivité accrue, meilleure acceptabilité de la mine par les riverains, transition vers une énergie verte et moins coûteuse, fléchage d'une partie de la production vers des pays valorisant l'approche en développement durable comme l'Europe, etc... Mais il n'y a pas aujourd'hui de véritable plan chiffré pour le redressement de la métallurgie calédonienne, additionnant le fruit des actions privées et publiques nécessaires, et évaluant l'ampleur de l'effort.
De ce fait, le problème pour un observateur rigoureux est que la route vers la survie de la métallurgie calédonienne n'est tracée de façon ferme sur aucune carte : cet observateur pourrait donc en conclure que cette route n'existe pas.
Mais ce serait nier que dans son histoire, l'industrie du nickel a toujours vécu avec l'incertitude du lendemain. Qui avait prévu il y a 30 ans, que la production mondiale de nickel triplerait entre 2005 et 2023 ? Et quelle aventure industrielle a vu son succès écrit par avance ?
[1] Sauf pour Koniambo Nickel qui, hors défiscalisation initiale, n'a été soutenue que par les seuls fonds de Glencore, jusqu'à sa mise en sommeil très difficile pour les employés et sous-traitants concernés
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19 Mars 2025
ORGANISER SES TÂCHES

Allen, D. (2021). S'organiser pour réussir - Getting Things Done -. Ed. Alisio
Ce livre de David Allen vendu à deux millions d'exemplaires est l'un des piliers de l'organisation personnelle, paru pour la première fois en 2001, et réédité, en Français aussi, en 2021, dans une version plus détaillée (peut-être trop ?) dans ses explications.
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Quels principes pourrait-on en retenir ?
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1) Cesser d'encombrer notre cerveau en y stockant l'ensemble des tâches que nous aurions à faire : cela encombre un espace que nous devrions dédier à la réflexion et ces tâches en attente pèsent sur notre moral en créant une " charge mentale ". La solution est de noter toutes les tâches que nous avons à réaliser, qu'elles soient personnelles ou professionnelles, sur papier ou support informatique. Pour nous libérer pleinement de cette charge mentale, il faut que nous ayons pleine confiance dans cette "todo list", et à cette fin qu'elle soit complète, actionnable, bien organisée, et revue très régulièrement.
2) Le principe de la "prochaine action". Chaque élément inscrit sur la todo list doit être actionnable, ce qui implique une réflexion préalable avant de l'inscrire. "Amener la voiture au garage" est actionnable si on sait de quel garage il s'agit et s'il n'y a pas besoin de prendre rendez-vous. Dans le cas contraire, l'action sera "Rechercher sur Internet les garages proches spécialisés en carrosserie", ou "Prendre rendez-vous avec le garage, téléphone XXXXXX".
3)Organiser la "todo list" avec par exemple les répartitions suivantes :
- Prochaines actions
- En attente ( actions attendues d'autres personnes)
- A discuter avec ... ( un onglet par interlocuteur habituel)
- Un jour peut-être ( réflexions long terme)
- Courses
4) Revoir et actualiser la todo list régulièrement, au minimum une fois par semaine, au cours d'une "réunion avec soi-même " d'organisation personnelle.
Ce livre de 408 pages rentre beaucoup plus dans les détails d'application de la méthode, en particulier pour le cas des actions multiples regroupées en Projets. Mais l'application des principes ci-dessus en se fiant à son GBS ( son Gros Bon Sens) pour les détails d'application, permet déjà une organisation plutôt sereine.
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30 Janvier 2025